Photo de R. Petronio
(comme les autres)
légendée ainsi :
Le funambule et le
mathématicien. Seppi Landmann (debout), hédoniste devant l'éternel, a
consacré sa vie à sublimer la richesse et la douceur du raisin.
Mathématicien, René Muré s'est, lui, lancé à la recherche des clés de
la mécanique souterraine du terroir. |
Les riches heures
de deux Grands Crus d'Alsace
"Quintessence
de saveurs et de parfums, les Sélections de Grains Nobles obsèdent les
plus grands vignerons alsaciens. Dégustation comparée de deux
monuments du genre, le Clos Saint-Landelin de René Muré et Le
Zinnkoepflé de Seppi Landmann" (...)
Avec des
rendements effleurant à peine les cinq hectolitres par hectare, la
Sélection de grains nobles est un concentré de saveur et
de
parfum, c’est la
substantifique sève du terroir qui s’enrichit jusqu’à plus de 100
grammes de sucre par litre. "On
ne cherche pas à faire des grains nobles, on prend ce que la nature
nous donne",
dit
René Muré. Si ce nectar est la récompense d’une année favorable, il ne
gomme nullement l’empreinte de son terroir lorsque des domaines
attentifs comme ceux de Seppi Landmann ou de René Muré oeuvrent pour
lui rendre hommage. (...)
Terroir solaire, le Clos
Saint-Landelin développe plus le passerillage que la pourriture noble.
À
l’inverse, la présence
de rosées matinales favorise la pourriture noble sur le Zinnkoepflé.
"Seuls
les grands millésimes donnent des Sélections de grains nobles, mais
c’est une décision qui se
prépare dès la
taille",
nous explique
Seppi Landmann. Animal capricieux, la SGN n’est pas toujours réalisée
sur le même cépage. Nous nous sommes donc promenés de l’un à l’autre,
tirant une leçon de la dégustation : la lecture du terroir s’affirme à
chaque instant, le
cépage apportant juste un accent
singulier.
|
La richesse du fruit
Le Clos Saint-Landelin s’affirme par sa densité et une forme
imposante.
À
l’inverse, le Zinnkoepflé exprime le raffinement et met en avant son
expression florale, la délicatesse de sa chair. Ici, la Palette
aromatique semble plus vaste et plus complexe, avec un corps plus
svelte que chez son voisin. Le domaine Muré produit incontestablement
des vins de belle facture, j’avoue cependant qu’au cours de cette
dégustation, la grandeur de cette maison s’est surtout révélée avec
les derniers millésimes. En effet, notre vigneron a pris conscience
des effets bénéfiques produits par le travail du sol et mis en avant
par le microbiologiste des sols Claude Bourguignon. "Claude
a incontestablement changé le profil des vins du domaine
", nous explique
René Muré. Et la dégustation de confirmer. Longtemps réputé pour ses
vins denses et compacts exprimant la richesse et la chair du fruit, le
domaine produit maintenant des SGN qui affirment mieux la minéralité
de leur terroir. Sans perdre de leur densité, ils ont gagné en
élégance et en profondeur. |
Beau millésime, 1996 a
initié ce face à face entre le Clos Saint-Landelin et le Zinnkoepflé. |
Seppi Landmann :
« Mon père livrait ses raisins à la
coopérative, moi j’en suis sorti en 1982 après avoir fait mes études
d’oenologie en Bourgogne. Le père de René Muré, qui conservait de très
vieux vins dans sa cave, m’a mis dans la tête que les blancs d’Alsace
étaient de grands vins de garde. Il été l’un de mes modèles. Dans la
vigne, notre travail a évolué
progressivement vers des tailles
plus
courtes. Sans être
étiqueté bio, je suis proche de cette vision, mais je n’ai pas de
croyance, car, pour moi, cela n’émane pas du divin. Je reste toutefois
attentif au travail et à la vie des sols. Je n‘ai pas les mêmes outils
techniques pour travailler la vigne que mon confrère, j’essaie juste
de traiter le moins possible»,
confie Seppi. Ses Sélections de grains
nobles confirment au vieillissement le potentiel et
la finesse du
Zinnkoepflé. Il préconise de carafer ses SGN deux heures avant
dégustation.
* * * |
René Muré
(ici avec sa fille Véronique) :
issu d’une très
ancienne famille de vignerons, René Muré, mathématicien de formation,
ne se destinait pas à la viticulture lorsque les aléas de la vie l’ont
précipité dans le vignoble.
Il
prend en charge le travail de la vigne en 1971, puis s’attelle à ceux
de la cave dix ans plus tard. "Mais
c’est en 1995 que le domaine fait un pas en avant dans l’expression
des terroirs. Pour moi, on doit lire l’origine d’un terroir dans le
vin"
avoue-t-il. Pour y parvenir, il aborde avec un esprit scientifique
l’expérimentation du travail du sol, conseillé par le microbiologiste
des sols Claude Bourguignon.
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Naturellement doux
Seppi Landmann
est incontestablement un vaillant partisan des grains nobles.
«
Ici, on ne parle
pas de vin doux naturel, mais de vin naturellement doux
»,
assure ce
vigneron passionné.
«
Les grains
nobles ont un coût d’élaboration et de vente élevé, c’est pour cela
que leur production est infime
»,
poursuit-il.
L’évolution sur ce domaine est moins perceptible. Le style Landmann,
affirmé plus rapidement, n’a jamais été amendé. li favorise richesse
et douceur du fruit sans perdre la trame délicate du terroir. C’est
avec l’âge que les vins du domaine Seppi Landmann prennent leur envol.
Le 1996, qui a encore un bel avenir, est d’une incroyable élégance.
Son équilibre et son harmonie font oublier la présence du sucre. Chez
René Muré, c’est le 2002 qui nous
montre le chemin parcouru dans les
vignes. |
Objet de transmission
La Sélection de
grains nobles est la récompense du vigneron. tille constitue aussi le
tremplin idéal pour amener de jeunes adultes formatés par les boissons
sucrées à la culture séculaire du vin, car la douceur de ces grains
peut cimenter des liens durables entre
les générations. Outre le plaisir
qu’elle procure, la SGN est donc un outil de transmission. |
Les
conditions de la dégustation
Tous les
vins (décrits ci-dessous) ont été dégustés au domaine René Muré par
Roberto Petronio pour la RVF, en compagnie de Véronique et René Muré
et de Seppi Landmann. |
Pinot gris SGN
1996
Grand Cru ZINNKOEPFLE
Ici, on est tout
de suite séduit par l’intensité des parfums floraux de ce très beau
cru. Plus délicat, plus aérien que son voisin, il est d’un raffinement
majeur, mais peut-être avec un corps plus svelte et plus élancé. On ne
parle plus de sucre résiduel, mais de douceur et de noblesse. |
Pinot gris SGN
1996
Clos
SAINT-LANDELIN
Un beau millésime
marqué par un grand équilibre maturité/acidité en guise d’entrée en
matière. On a une bonne expression du fruit soulignée par une acidité
très présente. Comme nous le fait remarquer René Muré, c’est dû
à la
maturation lente. Le Clos Saint-Landelin offre une grande générosité,
il s’étale littéralement en bouche avec beaucoup d’allonge en finale. |
Pinot gris SGN
2000
Grand Cru ZINNKOEPFLE
Encore plein de
fougue, le fruit paraît plus généreux, mais moins complexe que dans le
1996. Des senteurs de bonbon au miel et des notes de cire d’abeille
expriment
un nez ample et généreux, avec
toujours une légère touche florale.
À
ce stade d’évolution, c’est
surtout la bouche qui signe le terroir par une minéralité délicate,
fine et précise, et moins imposante que dans le Clos Saint-Landelin.
Une très belle note de pamplemousse donne beaucoup de fraîcheur et de
dynamique à la finale. La douceur du sucre et d’un fruité mûr
l’emporte pour le moment sur sa véritable personnalité, mais le temps
révèlera la race de son terroir. |
Pinot gris SGN
2000 Clos
SAINT-LANDELIN
Pinot gris SGN
2000 La robe de ce millésime est plus dorée que celle du 1996. Elle
accuse une teinte légèrement orangée. Le vin est marqué par de fines
notes de fruits frais qui évoquent les agrumes. Arômes appuyés dans un
second temps par des senteurs d’abricots acidulées et une minéralité
mieux définie que sur le millésime précédent. Des notes de terre
humide, peut-être même de truffe blanche, apparaissent de façon
délicate et subtile. Le Clos met en avant sa densité et sa puissance
qui se manifestent par une minéralité très présente. L’équilibre
sucre/minéralité se montre idéal et confère à ce pinot gris à la fois
puissance et douceur. |
Gewurztraminer
SGN 2002
GC ZINNKOEPFLE
Sur ce terroir
plus délicat et élégant, l’aspect floral est magnifié par le cépage et
souligné par des notes de cire. Au-delà du cépage, le vin montre à
chaque instant la délicatesse de son terroir. Sa minéralité apparaît
tout en dentelle. Sur ce millésime, le Clos Saint-Landelin s’affîrme
par sa puissance. Le Zinnkoepflé, lui, suggère plus la douceur
enveloppante du “grain noble” et paraît plus large que profond. |
Gewurztraminer
SGN 2002
Clos
ST-LANDELIN
Pour ce
millésime, nous sommes passés à un gewurztraminer. Le côté variétal
marque une nuance sur les vins, sans pour autant gommer la
personnalité des deux terroirs. Des notes de zestes d’agrumes dominent
au nez. Ce Clos Saint-Landelin est toujours plus ample et imposant,
avec une minéralité qui assoie ce vin en bouche. Le travail du sol,
mis en place avec Claude Bourguignon, s’affirme par une sensation
tactile où le vin paraît large et profond, comme si l’on ressentait
l’enracinement en profondeur de la vigne. Ce n’était pas le cas sur
les millésimes plus anciens. |
Gewurztraminer
SGN 1994
GC ZINNKOEPFLE
La douceur du
sucre résiduel et du fruit laisse place ici à une palette aromatique
d’une grande complexité. Citron vert, gingembre confit, le nez est
d’une fraîcheur exemplaire, avec une légère touche de verdeur qui
donne de la vivacité et de l’éclat à l’ensemble.
À
mesure que le vin s’aère, la
magie
olfactive de ce
cru ne cesse de nous séduire en évoluant vers des notes mentholées. Ce
Zinnkoepflé prend toute sa dimension avec l’âge, car il conjugue,
finesse, persisance et douceur |
Gewurztraminer
SGN 1994
Clos
ST-LANDELIN
Là encore, on ne
pense pas au cépage mais au terroir qui s’exprime par des notes de
terre puis de champignon, avant que ne surgisse un fruit légèrement
confit. La bouche, tout comme le nez, semble ramassée et compacte. Ce
vin nous saisit par sa densité, mais il paraît moins complexe que les
millésimes plus jeunes.
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Riesling SGN
1998
Grand Cru ZINNKOEPFLE
Le cépage
apporte cette touche pétrolée au nez, chose qui ne s’était nullement
manifestée auparavant. C’est le seul vin où le raisin prend un léger
ascendant sur le terroir. Mais en même temps, il le signe à merveille,
car il exprime moins le fruit que le côté minéral, finement ciselé de
ce magnifique cru. Comme le dit si joliment Seppi Landmann :
«
Ce vin est
naturellement doux
»,
mais extrêmement
sapide et parfaitement défini.
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Riesling SGN
1990
Clos
SAINT-LANDELIN
«
Sur ce terroir
solaire et chaud, une Sélection de grains nobles n’est bonne que si la
vendange a lieu au mois de septembre
»,
explique René
Muré. Ce millésime lui va donc comme un gant. Malgré cela, le vin
semble plus large que profond. Le temps lui apporte la complexité
espérée sans pour autant mettre en relief tout le potentiel que l’on
devine sur les millésimes récents du Clos Saint-Landelin. C’est un
beau témoin de ce qui se faisait sur ce domaine, mais peut-être pas
l’expression la plus fine de ce terroir. Ce grand cru a cependant de
belles années devant lui. |
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